J’ai ressenti ma ruralité dès mon plus jeune âge. Mon amour pour les rivières, les ruisseaux, et la variété folle de la verdure m’a enlacé dans une parfaite symbiose avec la nature, avec mon paysage. Ma nature paysanne était adorée démesurément, les champs et les bois de mon territoire constituaient, pour le bambin que j’étais, un royaume d’enfance, un véritable paradis.
Les chants d’oiseaux que j’imitais, les senteurs hivernales, tout semblait converger pour faire de moi, ce petit être riche de quelque chose. Quoi exactement ? Je ne le savais pas encore, mais tout ce qui m’entourait était une source constante d’émerveillement.
Avant même d’atteindre le Dara ou l’école des Toubabs, avant 1956, j’étais d’abord le Daara, où, d’une manière que je ne saurais expliquer, je lisais et écrivais déjà le français !
Ma rencontre avec le Grand-père Léopold Sédar SENGHOR a été un point de départ significatif pour un long parcours littéraire. Retenez simplement ceci : c’est avec lui que j’ai pris conscience de mon souffle poétique. Cependant, avec Boileau, j’ai failli me retrouver à n’écrire qu’en Alexandrin.
Si tout cela n’est que le prélude à une prédestination, le point de départ peut être situé lors d’une journée ensoleillée à 13h, lorsque SENGHOR, me voyant seul sur le chemin de l’école, s’exclama en me montrant à Belal LY : “Il va fondre sous le soleil ce petit bout d’homme !”
“Le petit bout d’homme” sur le chemin de l’école, c’était moi. Dès le lendemain, le Président de la République dépêcha quelqu’un pour me conduire à la Résidence Présidentielle pour les deux années du CM1 et CM2 !
Si un commencement doit être identifié, c’est certainement lorsque j’ai commencé à lire des fragments des feuilles du Poète Président. J’ai été transformé par la beauté, la douceur et la singularité de ce que je lisais. Ainsi, dès le CM1, j’ai commencé à imiter l’inimitable !
J’ai satisfait ma curiosité en parcourant la littérature française du 16e au 18e siècle. Bien que difficile d’imiter SENGHOR, j’appréciais la lecture des grands de la littérature française tels que Ronsard, Diderot, Musset, Montaigne, Maupassant, Lafontaine, Hugo… et particulièrement Montesquieu et Boileau.
Montesquieu a marqué le CM2, où j’ai aidé une amie en France pour un exposé sur les différents courants politiques. J’avais récemment terminé Montesquieu quand elle m’a contacté. J’ai préparé et envoyé son exposé, ce qui a provoqué quelques ennuis avec son père qui pensait que c’était le travail d’un instituteur.
Quant à Nicolas Boileau dit Despréaux, j’apprécie sa maîtrise alexandrine pour composer des vers de 12 pieds avec une césure flagrante à mi-vers, et son courage dans les épîtres destinées aux divers apôtres de sa République. Cette politesse, très utile à tout dirigeant écoutant avec raison et bon sens, me liait agréablement au Président Abdou Diouf, doué d’une capacité d’écoute difficilement égalée.
Pour conclure, retenez que grâce à Léopold Sédar SENGHOR, j’ai pris conscience de
mon instinct poétique, et grâce à Boileau, j’ai failli n’écrire qu’en Alexandrin. Cependant, dans l’immense univers de la poésie, ma Muse sensible et ma plume ont su demeurer paysagistes, en harmonie avec l’âme de la vie de toute galaxie.
Je considère l’écriture comme un moyen pratique pour un voyageur invétéré tel que moi, enraciné paradoxalement dans son terroir, de naviguer dans ce vaste monde d’idées.
Je crois en l’unité de l’humanité, une grande fraternité où l’on reçoit plus que l’on ne peut donner. Dans cette perspective, il est préférable de s’ouvrir aux apports enrichissants du dialogue, éclairé par les va-leurs originelles des sociétés humaines. Les réponses que je recueille contribuent à approfondir notre compréhension de la scène littéraire sénégalaise et à célébrer la diversité des voix et des histoires qui la composent.