Mon cher fils,


Je prends aujourd’hui la plume pour partager avec toi, une réponse que j’ai donnée ce matin, à une question que m’a posée un viel ami à l’esprit bien aiguisé .
En vérité  il s’agit d’une question qui m’a poussé à méditer sur le mystère des mots et la richesse de nos langues.
Cette réflexion, je tiens à  la partager avec toi, car elle porte une leçon précieuse sur la puissance des idées et des expressions que chaque culture façonne et que parfois, une autre langue peine à contenir.
L’ami m’a demandé comment traduire le nouveau slogan  : JUB, JUBËL, JUBBËNTI » érigé par le duo Joomay Sonko en principe intangible, pour une Gouvernance Transparente et Responsable.
Il m’a proposé la formule « Droit, Dresser, Redresser », mais tout en avouant que cette tentative de restitution ne le satisfaisait pas. Et je trouve qu’il a tout à fait raison. Car traduire, mon fils, ce n’est pas seulement déplacer des mots d’une langue à une autre ; c’est chercher à transporter des images, des valeurs et des émotions, tout en acceptant que certains trésors de sens se perdent en chemin.
Prenons un autre exemple pour éclairer cette difficulté : le proverbe wolof « Kuy xalam di ca jaayu » signifie que celui qui crée ou détient un bien matériel est toujours le premier à en profiter. Ce proverbe est simple, presque évident pour ceux qui comprennent notre langue, mais il devient une énigme lorsqu’on tente de le traduire.
Le xalam, cet instrument de musique en forme de guitare, joue une double fonction ici : il est à la fois un symbole et une réalité. Jaayu, qui signifie « se vendre », complète l’image, suggérant qu’avant qu’un bien ne bénéficie au monde, il enrichit d’abord son propriétaire ou son créateur. Mais comment rendre cela dans une autre langue, sans effacer cette subtilité ? Dire simplement : « On est toujours le premier à profiter de ce qu’on possède » n’a ni la mélodie ni la profondeur du proverbe originel. Le xalam, en tant qu’objet culturel, disparaît. Sa musique s’éteint.
Il en va de même pour « JUB, JUBËL, JUBBËNTI ». Ces termes contiennent une charge symbolique que « Droit, Dresser, Redresser » ne peut restituer pleinement. JUB, c’est bien plus qu’être droit : c’est une droiture qui traverse la chair et l’esprit, une fidélité aux valeurs essentielles:l’honnêteté, la loyauté, l’intégrité.
JUBËL, c’est le geste généreux de transmettre cette droiture, de la faire rayonner autour de soi en respectant les lois de la République, mais aussi les règles sociales,
Et JUBBËNTI, enfin, c’est un appel à restaurer, à rétablir un équilibre brisé, une lutte noble pour réparer les injustices, Redresser les torts et les travers pour de une parfaite remise en ordre .  
Mon fils, souviens-toi que traduire un proverbe, un slogan ou une devise, c’est parfois comme vouloir capturer une flamme avec ses mains : on peut en transporter la lumière, mais jamais toute la chaleur. Chaque langue porte une vision unique du monde, et c’est dans ces visions que réside la vraie richesse de l’humanité.
Alors, comment traduire JUB, JUBËL, JUBBËNTI ? Peut-être en disant : « INTÉGRITÉ, EQUITÉ ET JUSTICE  » Mais même là, je sens que quelque chose manque. La force des mots « JUB, JUBËL ET JUBBËNTI » l’écho qu’ils suscitent dans le cœur wolof, ne trouve pas de véritable miroir en français.
Retiens cette leçon, mon enfant : les mots sont des fenêtres vers des univers, mais chaque fenêtre a ses limites. Apprends à contempler le monde à travers plusieurs d’entre elles, et tu découvriras des horizons insoupçonnés.
Avec toute ma tendresse,
Ton père, gardien des mots et des valeurs.

ABS