
Selon ma compréhension, une direction est un instrument, organe intermédiaire, d’opérationnalisation de décisions prises à un niveau gouvernemental pour appliquer une politique définie par une institution comme le Président de la République.
Si cela est tenable, une direction n’est pas le lieu où l’on décide de la politique nationale à mettre en œuvre. C’est juste un centre d’orientation, d’impulsion, d’élaboration, de coordination et d’actions pour l’organisation d’activités propres à mettre en pratique les idées émises depuis le sommet. De ce point de vue, le Directeur est pour moi un leader, c’est-à-dire celui qui ne se place ni devant le groupe, ni derrière, mais au milieu de l’équipe qu’il dirige. Il n’a pas la prétention de faire le travail, il a l’ambition d’impliquer tout le monde, de faire travailler chacun, quitte à s’effacer ou à en donner l’impression.
Pour ma part, j’ai trop de défauts parmi lesquels, la manie de l’observation. Je ne suis dans le milieu du Livre qu’en 2020. Mais, pour dire la vérité, selon mon observation, je trouve la DLL dynamique, agissante et proactive. Quant au Directeur, nous sommes nombreux à le trouver humble, franc et sobre (C’est important), doté d’un sens élevé de l’écoute et de la compréhension. Il n’est pas clivant. Par diverses occasions, je l’ai vu rassembler les agents de chaque segment de son secteur : écrivains, éditeurs, distributeurs, diffuseurs et autres professeurs de français. On trouve cette même composition dans les séminaires organisés sur les métiers du Livre (Saly Portudal), les Salons du Livre, (Dakar, Fatick, Abidjan, Tunisie, Maroc … La DLL ratisse large. Durant la période du Covid, nous avons pu apprécier la transparence avec laquelle les appuis ont été distribués à tous les agents du Livre, en ma connaissance.
Sur un autre plan, il m’est arrivé, à mes débuts, d’éditer dans le cadre du Fonds d’aide à l’édition, un livre qui contenait certaines imperfections. J’ai été convoqué dans son bureau où, assisté de son équipe technique, il m’a donné une leçon qui me sert jusqu’aujourd’hui. Taillez bavette avec lui, vous verrez que le Livre c’est son domaine. J’entends d’une oreille ‘’il est trop fonctionnaire’’, de l’autre ‘’c’est un simple fonctionnaire’’. Faut-il comprendre ‘’très fonctionnaire ‘’ ? En tout cas, durant les travaux du comité scientifique pour la préparation du Festival du Livre de Fatick, j’ai pu constater combien il est méticuleux et légaliste. Qualité ? Défaut ? Cela dépend de l’angle de considération. Quand les regards du loup et celui de l’agneau se sont croisés chez la Fontaine, face à la résolution du fauve, l’agneau a beau expliquer qu’il ne pouvait être l’auteur du tort qu’on lui reprochait car n’étant pas né au moment du fait incriminé, cela ne l’a pas épargné.
« Si ce n’est toi, c’est donc ton frère
– Je n’en ai point
– C’est donc quelqu’un des tiens. »
Comment y échapper ? Résister ou périr rekk.
Le concours littéraire de 2017 est l’objet d’une polémique que je croyais éteinte mais qui couve encore comme une braise dans la cendre. C’est pour moi, juste un face-à-face entre l’expression d’un ressenti témoin d’une émotivité à fleur de peau et l’objectivité d’une argumentation technique que l’on veut ignorer. Elle donne cependant l’occasion de réfléchir sur la politique culturelle du Sénégal centrée sur le Livre.
J’ai toujours dit et répété (Les chroniques de Mbegaan Koddu) que la ‘’Culture-là n’est pas notre Culture’’. Les musées, la danse et autres, c’est du Malraux, c’est du Jacques Lang. De Senghor à nos jours c’est la même vision culturelle au Sénégal. L’actuel gouvernement veut bien changer les choses. On le voit bien. Mais pour l’heure, c’est hésitant, la démarche manque d’assurance. La rupture n’est pas opérée. Le Jub Jubal Jubbanti est en branle dans les domaines, politique, économique et autres. Hamdulilah ! Quant à la Culture, qu’est ce qui a changé ? On peut définir la Culture telle que nous la concevons depuis Senghor comme ‘’La manifestation de l’exotisme français’’. Pour avoir une idée de la représentation mentale au Sénégal du concept ‘’Culture’’, faites le tour des Desks-Culture au niveau des télévisions sénégalaises. On y trouve généralement des animatrices excentriques, assimilées jusqu’au chignon. Qu’elles parlent français ou wolof, elles grasseyent comme des parisiennes car, pour elles, on ne peut parler de Culture que quand on est tubaabe (assimilé). Dans ce cas, de quelle culture parle-t-on ? De celle du tubaab ou de la nôtre ?
Malheureusement, cette vision de la Culture affecte dangereusement le Livre. Nous jugeons encore notre littérature en fonction des schèmes occidentaux. Ce que les Français auraient estimé bon, nous considérons que c’est meilleur. Nous n’avons pas encore de critères d’évaluation propres à une nouvelle vision culturelle, conforme à la Révolution du Jub Jubal Jubbanti. Pourquoi un livre primé par le Goncourt, en fonction de la vision occidentale du monde avec le style qui correspond, doit-il être considéré par nous comme un chef d’œuvre suprême d’une marque divine ?
Nous avons dit SOUVERAINETE ! Alors, redéfinissons notre Culture. Engageons courageusement la REVOLUTION CULTURELLE. Elle est inéluctable. Heureusement qu’à haut niveau, la chose est perçue de belle manière. Le Président de la République recommande la tenue d’un forum du Livre au mois de Juin. Vivement qu’il se tienne. Mais de grâce, que l’on ne se base pas seulement sur les talents oratoires des intervenants. Si les beaux discours devaient construire le Sénégal, il serait aujourd’hui le Qatar du monde. Ce qui donne raison au comédien ivoirien qui déclare dans le film ‘’Camp de Thiaroye’’ de Sembène Ousmane « Bon français ho ! Mauvais français ho ! Ce qui est bon, c’est ce qu’on dit dedans. »
Surtout que l’on mette à profit les contributions écrites. Sinon, certains mourront avec leurs idées, même si elles sont constructives… Que l’on y pense.
Waly Ndour
Directeur des Editions SEGUIMA