Par
Marouba FALL
Écrivain
Officier de l’Ordre du Mérite
Chevalier de l’Ordre National du Lion.

Il a vécu, l’inamovible Président des écrivains du Sénégal. Que la terre de Yoff lui soit légère et que le Tout Puissant l’accueille au Paradis. Pour ceux qui en doutent, qu’ils sachent que mes relations avec lui n’étaient ni amicales ni confraternelles, mais parentales. Si je l’avais écouté, j’aurais été son unique confident et son bras droit, à condition que ce bras n’écarte personne, mais rassemble. Depuis sa disparition, je ne me suis plus montré à kër Birago Bu Bees. J’y venais pour voir, non pas le dramaturge dont les œuvres ont fait les beaux jours du Théâtre National Daniel Sorano, mais le grand-frère, pour le prévenir ou intervenir en faveur d’un auteur ayant besoin de soutien. À mes risques et périls, je lui crachais la vérité crue. Un jour, il m’a dit : « Toi, au moins, tu ne parles pas sur mon dos.» Il savait qui faisait l’âne pour voir du son. Je savais, moi aussi, qui lui soufflait à l’oreille que je lorgnais son fauteuil. Si j’estime devoir m’exprimer, de façon ouverte et claire, à la veille de l’Assemblée Générale prévue le samedi 8 mars, aux environs de 11 heures, au siège de l’AES, c’est pour éclairer les uns et rassurer les autres. C’est tout à fait fortuitement que j’ai appris qu’une AG sera tenue en vue d’élire un nouveau Bureau. De façon temporaire ou définitive, je ne sais vraiment pas. Si je ne suis ni informé ni convoqué par le Secrétaire Exécutif, il est sûr et certains que beaucoup d’autres écrivains ne le sont pas. Pourtant, une association d’auteurs doit être largement ouverte et pilotée dans la rigueur et la transparence. On a fait injurier feu Lylian KESTELOOT, éminente critique littéraire et professeure de belle renommée à l’UCAD, parce qu’elle a cru bon d’attirer l’attention des membres de l’AES sur ce qui devait être leurs priorités. En effet, il faut éviter de se rassembler pour ripailler, se congratuler et s’octroyer des Prix dont ne s’enorgueillissent que celles et ceux en mal de notoriété. Ce qui fait un écrivain, c’est son œuvre. Ce qui l’ennoblit, c’est son lectorat. Rien d’autre. Ni les titres, ni les décorations ! Pourquoi n’ai-je pas reçu de convocation ? Parce que j’ai démissionné, allèguent certains qui ne veulent ni voir ma sale gueule ni entendre ma voix de Cassandre ! Qu’à cela ne tienne ! Ils ne me verront sans doute pas et ne m’entendront pas de sitôt, mais ils me liront et entendront parler de moi. Ils ont, quand même, dit vrai, mais ont honteusement menti. Vrai, car j’ai bien transmis au défunt Président une lettre de démission déposée par ma fille et publiée sur Facebook. Mais c’est de l’hypothétique poste de Vice-président que j’occupais dans le fantoche Bureau de l’AES que j’ai souhaité démissionner, pas de mon statut de membre. Je dis bien « souhaité », car BÈYE n’a jamais, publiquement, admis avoir reçu ma lettre. Pour preuve de son refus d’entériner ma démission, lorsque l’Association des Éditeurs du Sénégal (ASE) m’a choisi comme membre de sa délégation devant représenter le Sénégal, invité d’honneur, au Salon du Livre de Tunis, il a demandé qu’on me sorte de cette délégation pour me mettre dans celle de l’AES où figuraient Seydi SOW et Fatou Yelly Wardini FAYE. Il n’y a pas deux ans, lorsque je suis allé plaider la cause d’un poète qui s’estimait être lésé dans la distribution des Prix, à l’occasion de la Journée Internationale de l’Écrivain Africain, il s’est étonné : « Tu viens défendre un écrivain, alors que tu n’as pas encore été primé ! » C’est BEYE qui a déposé à la chancellerie le dossier grâce auquel je suis promu Officier de l’Ordre du Mérite. Voilà pour les clarifications. Je demeure un membre de l’AES qu’on ne doit fermer à aucun gribouilleur, à plus forte raison à un écrivain de ma trempe. (N’ai-je pas le droit de fanfaronner devant la racaille littéraire ?) Pour ceux qui parlent de ma démission, rien que parce qu’ils craignent ma probable, légitime et souhaitée candidature à la présidence de l’AES, qu’ils se rassurent. Je ne suis candidat à aucun poste du futur Bureau. Cependant, comme je l’ai confié à mes reconnaissants confrères et à ceux qui sont venus me consulter, chez moi, je ne refuserai pas d’accompagner le nouveau Président et ses collaborateurs, à condition qu’ils soient de jeunes écrivains prometteurs dont le Sénégal a besoin pour une relève littéraire de qualité. Il est salutaire pour nous tous que la vieille garde aille dormir et laisse la place à de jeunes poètes que le monde réclame de plus en plus, à de nouveaux romanciers dont les œuvres sont dévorées par les collégiens et les lycéens, à des dramaturges qui renouvellent le genre dramatique. Plus de Président à vie. Plus de Bureau Exécutif qui n’existe que de nom. Il faut renouveler les statuts et le règlement intérieur de l’AES et gérer de manière transparente et participative les fonds générés par les cotisations annuelles des membres et les subventions de l’État.
Imaginez-vous un lion au milieu d’une horde d’hyènes ou de babouins ? L’écrivain qui se respecte n’a pas peur de marcher seul, car c’est dans la solitude qu’il se réalise. Moi, candidat ? J’ai renoncé à tant de privilèges que je m’en voudrais mortellement si on me surprenait me bousculant pour la curée.

Dieu nous garde !

Guédiawaye, le 6 mars 2025.


Marouba Fall
RUBA Editions