Souleymane Bachir Diagne

Dans un monde où les notions d’universalisme culturel et de restitution des biens culturels suscitent des débats passionnés, les paroles de Souleymane Bachir Diagne, philosophe et penseur sénégalais, apportent une perspective profondément réfléchie et éclairante.

Souleymane Bachir Diagne remet en question l’idée d’une Europe exceptionnelle qui, historiquement, s’est auto-définie comme détentrice de l’universel tout en imposant cette vision aux autres cultures. Selon ses dires, cette conception a émergé en parallèle avec l’ère du colonialisme, présentant l’Europe coloniale comme naturellement porteuse de l’universalisme.

L’aspect le plus intrigant de ses réflexions est l’évocation de la restitution des œuvres d’art et des objets patrimoniaux africains. Pour Souleymane Bachir Diagne, ce processus va bien au-delà d’un simple retour géographique vers le continent d’origine. Il soulève la question fondamentale de la signification de ce « retour », appelant à une réimagination des musées en Afrique et dans le monde entier.

Loin de considérer la restitution comme un déplacement statique d’objets d’un musée à un autre, Diagne propose une approche dynamique et interculturelle. Selon lui, ces objets arrachés à l’Afrique ne devraient pas être perçus comme des trophées inanimés, mais plutôt comme des vecteurs de connexion entre les cultures, favorisant ainsi une circulation enrichissante à travers le monde.

La vision de Diagne encourage une transformation de ces objets restitués en agents culturels dynamiques, participant à la création de liens transnationaux et à une compréhension plus approfondie entre les cultures mondiales.

Diagne affirme : « L’idée d’une Europe exceptionnelle qui commande que les autres s’européanisent quand elle-même n’a aucune raison de s’indianiser, de se siniser ou de s’africaniser, est une invention relativement récente, et je crois concomitante au colonialisme. L’Europe coloniale s’est construite comme une exception qui serait tout naturellement porteuse d’universalité et d’universalisme. Aujourd’hui, la question de la restitution des œuvres d’art et objets du patrimoine africain au continent où ils sont nés pose la question de la signification d’un tel « retour », en même temps que la nécessité de réimaginer le musée qui les accueillera, en Afrique et dans le monde. (…) La restitution ne doit pas être un jeu à somme nulle qui vide les musées au nord pour remplir les musées au sud. Ces objets qui ont été arrachés à l’Afrique doivent désormais servir à créer un lien et à circuler. »

Ces propos interpellants de Souleymane Bachir Diagne sont une invitation à repenser notre rapport à la culture, à l’histoire et à la circulation des biens culturels, éclairant ainsi un chemin vers un universalisme qui ne se restreint pas à une seule vision, mais qui s’enrichit par l’échange et la collaboration entre toutes les cultures du monde.