Dans une démarche, disons, presque thérapeutique, je n’étais pas investie dans des projets littéraires. J’écrivais pour me soigner. Cela a débuté à la suite d’un défi lancé par un écrivain sénégalais nommé Boubacar Boris Diop, rencontré au Bénin. Il m’a suggéré d’écrire. Au départ, je n’ai pas considéré être une écrivaine.
À cette période, je faisais face à des difficultés, une forme de précarité existentielle. Confrontée au choix entre la folie et la mort, j’ai ressenti un impératif vital : écrire pour exprimer ma thérapie. Après avoir accompli cela, je me suis sentie mieux, et cela a dynamisé mes projets, notamment mon restaurant et ma galerie.
Boubacar Boris Diop, toujours bien vivant, m’a fait remarquer que, bien que mon écriture ait servi à ma guérison, elle était bien structurée et de qualité. Cela m’a encouragée. En réaction à son défi, qui semblait diminuer l’importance de l’écriture, je me suis tournée vers cet art, et maintenant, je m’investis dans la littérature.
Mon entrée dans ce monde littéraire s’est nourrie d’une réalité ancrée. Cela a débuté lors de visites avec une amie sociologue, Seynabou Niang, dans un hôpital psychiatrique nommé “hôpital universitaire de fans”, autrefois un lieu de soin pour des personnes atteintes de névroses, divisé en pavillons pour hommes et femmes. Durant les années 80, je l’accompagnais pour des discussions avec des femmes, afin de comprendre l’origine de leurs troubles.
Je me suis retrouvée face à des femmes exprimant dans leur délire les maux qu’elles avaient subis. Elles s’étaient réfugiées dans la folie pour échapper à une société oppressante. Un jour, Seynabou m’a raconté l’histoire d’un jeune homme venu du pays Basari, dans le Sénégal oriental. Il avait remis en question les rituels ancestraux lors d’une rencontre avec des sages, suscitant un fort désaccord. Ce récit a été source d’inspiration pour moi lors de mes débuts en littérature.
J’ai ainsi utilisé cette histoire pour écrire mon livre “La folie et la mort”, basé sur des faits réels, reflétant une société et son histoire. Outre cette inspiration, j’ai puisé dans ma mémoire, non pas pour retracer l’histoire du Sénégal, mais pour évoquer mon enfance au Saloum, baignée dans les contes, légendes, et autres univers fantastiques où les arbres et les animaux parlaient. C’est ainsi que j’ai choisi de présenter la réalité à travers des allégories, tirant des leçons de vie de ces récits.
Ce monde m’a semblé fascinant, où un simple baobab peut interpeller un jeune homme qui passe devant lui sans le saluer.
échange Avec José Manuel Farjado
lors du Benengeli 2022