
Je vous adresse ces mots avec respect. Pour la première fois, je m’oppose à vous. J’ai lu avec attention votre texte et j’avoue que j’ai eu un profond étonnement.
LOIN DE MOI L’IDÉE DE PROFITER DE VOTRE SORTIE QUE JE CONSIDÈRE MAL ORIENTÉE POUR ME FAIRE UN NOM DANS L’ESPACE LITTÉRAIRE. LA QUESTION DE LECHER DES BOTTES DE MES PAIRS ECRIVAINS, (Dieu seul sait que vous le dites juste à cause d’une colère mal placée) ET LÀ, JE VOUS COMPRENDS PARFAITEMENT. JE NE VOUS EN VEUX PAS. ON SE CONNAIT EFFECTIVEMENT COMME VOUS LE DITES.
Man wëruma Buzz,xam nga dara !
Pour revenir sur votre texte, j’avoue au-delà de votre style posé et de la légitimité que vous avez en tant qu’acteur du secteur, votre texte contient de nombreuses incohérences, amalgames et dérives discursives.
PERSONNELLEMENT, JE CROIS PAS TROP À CE CONCEPT DE JEUNE ECRIVAIN MEME SI J’UTILISE SOUVENT CE GROUPE NOMINAL.
Vous êtes un homme de lettres. Vous avez édité de nombreux jeunes. Vous avez salué leur engagement, leur plume, leur audace. Et vous choisissez aujourd’hui de les dénigrer, de les opposer à ceux que vous appelez « les anciens », et de les assimiler à des figures politiques, des criminelles n’ayant aucun rapport avec le monde du livre.
QU’EST-CE QUE LES JEUNES VOUS ONT FAIT, TONTON ?
Permettez-moi de reprendre certains de vos passages, qui me semblent non seulement injustes, mais aussi dangereusement incohérents, et hors de propos dans une réflexion censée porter sur un forum littéraire. Voulez-vous transformez la question du forum littéraire en procès de la jeunesse qui écrit ?
Dès le début de votre texte, vous nous parlez du Forum, mais très vite, le texte vire vers une série de critiques gratuites contre les écrivains que vous appelez jeunes, sans jamais revenir au nœud du sujet.
Vous écrivez : « Le choix des membres du comité n’est assujetti à aucune obligation, ni de transparence ni de démocratie. » Puis, « Il ne faut pas un grand nombre pour ça. Juste des gens qui s’y connaissent. ». Ce propos revient à exclure toute idée de diversité, de renouvellement ou d’ouverture du comité, alors qu’un forum devrait justement favoriser le dialogue entre générations, la pluralité des sensibilités et l’enrichissement par l’écoute.
NE ME DITES PAS QUE VOUS COMPAREZ LES JEUNES À CES GENS ! Le passage suivant est, à mes yeux, l’un des plus choquants : « Les terroristes qui attaquent les Maliens, les Nigériens et les Burkinabé… ils sont jeunes. Samuel Doe avait 29 ans… Mobutu a trahi Lumumba… Hitler avait 43 ans… Des jeunes qui ont fait du mal à l’humanité, on peut en citer à l’infini. ». Tonton Waly, avec tout le respect que je vous dois, comment peut-on assimiler des écrivains (je répète encore on est écrivain et pas plus, l’idée de jeune ne rime pas à mon avis avec l’écriture) ou penseurs sénégalais, aspirant à participer à un forum sur le livre, à des figures comme Hitler, Mobutu, ou des terroristes ?
Votre comparaison est non seulement incohérente, mais elle est moralement choquante. Elle criminalise symboliquement toute une génération entière, et contredit les valeurs humanistes que vous avez longtemps défendues.
Vous affirmez aussi : « Il y a même de vieux jeunes, usés non pas par le temps, mais par leur impatience, leur goût du paraître, leur tendance à la facilité et au gain rapide… ». (je n’aime pas paraitre Tonton, vous le savez bien) « Ils en sont à des calculs d’épicier, par rapport à des ambitions démesurées et parfois illégitimes. » Vos jugements sont sans fondement ni preuve, Tonton. En lisant ce passage, j’ai de la peine à croire qu’il vient de l’éditeur qui, il n’y a pas si longtemps, célébrait la « maturité » et « l’exigence littéraire » de plusieurs jeunes plumes sénégalaises.
Tonton, ces jeunes ne sont pas vos ennemis, vous le savez mieux que moi. Ne pas être d’avis avec eux sur des points bien définis (ce qui est normal d’ailleurs), encourage la diversité et enrichit les débats publics.
Tonton, avec tout le respect que j’ai pour vos sacrifices, ce passage : « En 2021, il a fallu publier 23 livres à la fois… J’ai vendu un terrain… En 2024, j’ai fait un découvert en banque… » transforme votre texte en une autopromotion personnelle, comme si vous cherchiez à montrer que vous méritez plus que les autres d’occuper la scène. Le forum du livre n’est pas une vitrine personnelle. Il devrait être un espace collectif, transparent, ouvert, où chaque voix jeune ou ancienne peut se faire entendre.
Sur ce passage, je vous suis pas : « Montrez-vous d’abord à la hauteur de ceux que vous traitez de ‘has been’. Ils seront alors fiers de vous et vous installeront au pouvoir. » Mais plus tôt, vous aviez vous-même nié tout besoin de représentativité dans le comité scientifique, et rejeté toute idée de co-construction intergénérationnelle. Comment pouvez-vous dire aux jeunes d’attendre sagement leur tour, alors même que vous niez leur place à la table ?
Tonton, cette lettre n’est pas un règlement de compte, mais une interpellation franche. Je vous connais sincèrement. Votre engagement en faveur du livre ne fait aucun doute. Mais ce texte, à mes yeux, marque un tournant désolant. Il donne le sentiment que vous cherchez à vous rapprocher du pouvoir, en s’en prenant à une jeunesse que vous avez pourtant aidée à grandir.
Je ne réclame ni pouvoir ni place. Je ne quémande pas la reconnaissance de mes pairs. Je vous dis simplement que notre génération ne soit ni caricaturée, ni effacée, ni soupçonnée par défaut. Être jeune n’est pas une faute. C’est une étape, un moment fécond, un levier d’engagement.
Et comme le rappelait Albert Camus, l’écrivain ne doit pas servir les puissants, ni exclure, ni diviser. Il doit, dans la mesure de sa clarté, être au service de la vérité et de ceux qui cherchent encore leur place dans l’Histoire. C’est en restant fidèle à cette idée que vous retrouverez la voix que tant de jeunes, dont moi, ont appris à respecter.
Avec tout le respect que je vous dois,
Ismaila, ton neveu