Par AMADOU BAL BA

Le cinéma ivoirien nous a offert une grande artiste de renommée internationale, en la personne du polyvalent artiste, Sidiki BAKABA, lauréat en 1986 du Prix de la meilleure interprétation masculine aux Journées Cinématographiques de Carthage (Tunis), Artiste pluriel, fut tour à tour comédien, acteur, metteur en scène, producteur, trapéziste, enseignant, qualifié Sidney POITIERS de l’Afrique (Voir mon article, Médiapart, 7 janvier 2022), Sidiki BAKABA existe par lui-même, depuis 1972. Il a collaboré avec son compatriote Désiré ECARE, en 1985, dans «Visages de femmes», un fascinant geste masculin d’écoute et d’accompagnement de tentatives d’émancipations féminines. «Je n’y voyais aucun mal. Je suis d’une timidité impossible et suis très respectueux de nos traditions, mais la nudité était pour moi un costume de théâtre. La nudité pouvait ainsi être pour moi très pure. Mais peu de gens percevaient cela. Quand l’acteur est nu, il ne peut s’accrocher à rien : il nous fallait perdre nos tics et nos accessoires et nous faire purement le réceptacle d’un rôle. Visages de femmes a fait un terrible scandale en Afrique ! L’interdiction était absurde puisqu’à sa sortie, le film avait été précédé de tant de films X», dit Sidiki BAKABA. L’ensemble résonne avec le mouvement féministe des années 70, renforcé par le rôle des femmes dans les mouvements de libération, et la libération sexuelle, à la suite du mouvement des étudiants de 1968. Ce film de Désiré ECARE montre clairement la brutalité et le mépris du patriarcat, et invite à une lutte collective. À ce titre, l’importance donnée au chœur des femmes qui dansent en claquant des mains, alliant le geste corporel et rythmique à la parole, est déterminante : il incarne la solidarité autant que la détermination. «Les hommes n’ont jamais confiance en nous. (…) Que mérite un homme qui n’a pas confiance ? Il ne mérite qu’une chose. Quoi donc ? D’être trompé. Oui, d’être trompé !», dit Affoué, l’épouse du personnage Brou, qui a fauté avec Kouassi, interprété par Sidiki BAKABA.

Au cinéma et au théâtre, Sidiki BAKABA a remporté de nombreux prix, dont le prix UNESCO pour la promotion des arts attribués en 1999 «All’Afriki Théâtre», compagnie qu’il a animée. Prix d’interprétation pour le film «Bako», Grand prix d’interprétation pour les trois films présentés, Prix du meilleur acteur pour le film «Le Médecin de Gafire», Prix UNESCO pour «Les Déconnards», Prix UEMOA pour «Los palenqueros», ou «Cinq siècles de Solitude», documentaire. Citoyen d’honneur de Louisville aux États-Unis en 1992, officier de l’ordre national ivoirien, en 2001, distingué pour l’ensemble de sa carrière à la 2e édition du Festival culturel panafricain d’Alger en 2009, il reçoit le FAMA des Arts par le Groupe de recherches en arts du spectacle (Gras) en 2018 et fait Chevalier de l’Ordre du Mérite, des arts, des lettres et de la communication par le ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme burkinabé. Son film, en 1988, «Les guérisseurs» a remporté le prix de la meilleure musique au Festival du cinéma francophone et la «Voix de l’espoir», en 1989, au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou ou Fespaco en 1989, la liste des distinctions est longue.

Acteur, réalisateur, metteur en scène et ambassadeur culturel franco-ivoirien, Sidiki Sijiri BAKABA est né le 1er janvier 1949, Abengourou, chef-lieu de la région de l’Indénié-Djuablin, la capitale du district de la Comoé, à 210 km d’ Abidjan, dans l’Est de la Côte-d’Ivoire, vers la frontière ghanéenne. «Je suis né dans cette ville, chez les Agnis, en pays akan. Je considère cela comme une richesse. Tenez, il y a un jeune écrivain ivoirien, Koffi Kwahulé, qui écrit pour la Comédie française. Il est Baoulé de père et de mère et il est né à Abengourou comme moi» dit Sidiki BAKABA.

Son père KABA, El Hadji Mamoudou KABA, est un Soninké islamisé, dont les ancêtres sont originaires de Kankan, en Guinée et du Sud la Mauritanie, là où se situait l’empire médiéval du Ouagadou, appelé aussi empire du Ghana (Voir mon article, Médiapart, 31 décembre 2024). Polygame, avec 20 enfants, est un propriétaire terrien, un planteur aisé, chez les Agni, en pays Akan. Suivant, Germaine DIETERLE et Diarra SYLLA, Mama DINGA Khoré, est l’ancêtre des Soninkés répondant au patronyme de Wagué, fondateur de l’empire du Wagadou ou Empire du Ghana. Suivant la tradition orale, les ancêtres de Mama DINGA seraient originaires de l’Inde, et il est né à Assouan, en Égypte. Après avoir séjourné au Yémen et à la Mecque, c’est pour défendre son droit, ainsi que celui de ses enfants métis, d’accéder au trône d’Égypte que Dinga émigra à Djenné au Mali, accompagné de Peuls du Satigui, Asso Labati ; il meurt près de la mare de Djoka.

Sa mère, Mariétou KEITA, une chériffe, lui a insufflé l’amour de la langue, du conte et de la relation à l’imaginaire artistique. Enfant, il écoutait les chansons de KOUAYATE Sory Kandia (1933-1977), notamment «Donkili» qui veut dire en malinké, le chant. Aussi, il a appris de sa mère, dans son métier de comédien, d’habiter son texte, afin de restituer une certaine émotion en lui, dans sa part d’africanité. «On est plus qu’un interprète, on doit apporter de soi-même, aller dedans », méthode « Acteurs studios », traduction dans la langue maternelle, «La parole est comme une balle, et la bouche, le canon, comme un fusil ; elle ne revient jamais au point de départ. Un large spectre de jeu. J’apprenais de l’Occident du théâtre, le métissage est l’avenir de la culture. «Ma mère m’a donné tellement de gestes ; l’histoire des Mandingues et les contes surtout. Le mort peut revenir, qui raconte sa propre mort», dit-il. Le patronyme, KEITA, indique que sa mère est une descendante de l’Empereur du Mali, Soundiata KEITA (Voir mon article, Médiapart, 27 décembre 2024). En hommage, à cet homme de l’histoire, l’un de ses fils, un musicien se prénomme, Soundiata David.

Son grand-père maternel était le fils d’un très grand sage, Aboubacar Sidikh,, prénom aussi d’un des compagnons du Prophète, Mahomet, dont il porte le prénom. En effet, son arrière-grand-père, Cheikh Fanta Mady Chérif est né d’une mère ivoirienne et d’un père originaire du Yémen ; il passe par le Maroc, puis le nord de la Côte-d’Ivoire, et a épousé son arrière-grand-mère. Cheikh Fanta Mady (1865-1995), va vivre à Kankan, une ville religieuse, en Guinée-Conakry. Français, arabe, mandingue. Thaumaturge, il savait faire des miracles, notamment la guérison des maladies mentales. L’histoire raconte, qu’en 1940, le gouverneur Giacobi et l’évêque de Guinée vinrent signaler la situation de la France en Guerre au chef religieux de Kankan et lui demandèrent en même temps une intervention divine qui annonça la défaite momentanée de la France dans un délai de quatre jours, l’Occupation du pays, et le salut du pays viendra d’un Français de taille et d’âge moyen, qui de l’extérieur libérera la France. Une nouvelle prédiction fut confirmée le 17 juin 1940. Le Maréchal Philippe PETAIN acceptait l’Armistice et le 18 juin le général Charles De GAULLE lançait de Londres son fameux appel à la résistance contre l’occupation allemande, lors de la Seconde Guerre mondiale (39-45). Le Cherif fit des prières, bénédictions et sacrifices et la France fut libérée. Après la guerre, le gouverneur est venu présenter sa reconnaissance et il a été décoré par la France. À partir de 1920, compte tenu de ses savoirs occulte, Cheikh Fanta Mady Chef reçoit la visite de nombreux guides spirituels dont il est devenu le maître incontesté : des Sénégalais comme El Hadji Saïdou Nourou TALL (1862-1980) de Dakar, El Hadji Ibrahima NIASSE (1900-1975) de Kaolack, de Mauritanie, les descendants de Cheikh Sadibou (1848-1917) et Cheikh Siddia (1780-1869) et du Mali de Cheikh Hamallah (1883-1943), mort en exil en France. Son ancêtre, Cheikh Fanta Mady a été le guide spirituel d’hommes politiques, le futur président ghanéen, Kwame N’KRUMAH (1909-1972), le président libérien, William TUBMAN (1895-1971), le futur président guinéen, Sékou TOURE (1922-1984) ou le député ivoirien Ouezzin COULIBALY (1909-1958) et de l’ivoirien, Félix HOUPHOUET-BOIGNY.

Le jeune Sidiki, né avant l’indépendance, entame ses études dans sa ville natale de 1955 à 1960. «Les premiers films ivoiriens de Désiré Ecaré, Henri Duparc ou Timite Bassori étaient des films citadins. Ils ne nous ramenaient pas au village, à la différence des films d’Afrique de l’Ouest venus plus tard. Ces histoires nous amenaient du rêve et du fantastique, et nous parlaient des problèmes d’après les indépendances dont nous n’étions pas toujours conscients. Nous aimions l’atmosphère des films, ce qui restait en nous malgré ce que nous ne comprenions pas : nous rigolions et étions joyeux de nous identifier à autre chose», dit-il à Olivier BARLET. Le jeune Sidiki se rend, par la suite, à Abidjan, pour suivre des cours, de 1962 à 1966, à l’école nationale d’art dramatique, la mise en scène. Après avoir joué dans différentes pièces de grands classiques (Eschyle, Sophocle, Euripide, Molière, Corneille, Racine ou Shakespeare), il enseigne l’expression corporelle à l’Institut national des arts à Abidjan.

Sidiki BAKABA est un sans domicile fixe ; il navigue entre la France, où il a obtenu la reconnaissance et l’Afrique, son centre d’intérêt artistique.

I – Sidiki BAKABA son ascension en France,

Sidiki BAKABA a gravi «la montagne raciale», en raison de diverses rencontres fondatrices. À Paris, il découvre le dramaturge nigérian et futur prix Nobel de littérature, Wole SOYINKA, qu’il retrouvera au 70ème anniversaire de Présence africaine (Voir mon article, Médiapart, 27 octobre 2019 et 20 février 2025).

1 – Sidiki BAKABA, son talent et ses rencontres décisives

Arrivé en France, à la fin de l’année 1969, les acteurs africains étaient encore cloisonnés dans des rôles insignifiants et alimentaires. «Le premier spectacle que j’avais vu était «Orlando Furioso » au théâtre des Halles, à Paris, qui renversait tout ce que je croyais et avait appris. Je me demandais si les gens n’étaient pas devenus fous ! C’était une période riche et passionnante. Quand on m’a demandé de jouer quelques répliques en petit nègre alors que j’avais travaillé durant des années ma diction, j’étais bien évidemment frustré : la couleur de la peau déterminait le rôle», dit-il à Olivier BARLET. Dans son bilan, de la rencontre avec l’Occident, Sidiki BAKABA, a pu exprimer toute la mesure de son talent. «J’ai vécu une grande richesse. L’Occident m’avait beaucoup apporté et m’avait aidé à regarder l’esthétique de mes masques, à la manière de Picasso ou de certains metteurs en scène. Je suis revenu après m’être confronté à ceux de ma génération qui remettaient beaucoup de choses en cause, et notamment l’espace scénique : cela me donnait une grande liberté ; je pouvais me dégager de la cage scénique et aller le plus loin possible dans l’image. Je n’ai pourtant fait que suivre la trace de mes aînés : je regardais autour de moi l’esprit et l’humour africain et cette utilisation de l’espace typiquement collective. J’étais donc un homme mûr quand j’ai vraiment rencontré le cinéma», dit Sidiki BAKABA.

On oublie très souvent que le talent ne suffit pas, aussi bien dans les arts que les autres secteurs, pour percer et être reconnu. Il faudrait en plus, des connexions ou des personnes qui vous ouvrent les portes, sans lesquelles, tous les efforts d’émerger, dans son développement personnel, sont vains (Voir mon article sur le développement personnel Djeneba Diawara, «Allume ta flamme», Médiapart, 13 février 2025). En France, Sidiki BAKABA rencontre d’éminents artistes, notamment son idole, Jeanne MOREAU (1928-2017), il a joué «Lulu», en 1975, au théâtre de l’Athénée «La femme génie dont la beauté en noir et blanc a tant fait peur l’enfant que j’étais, fasciné l’ado que je fus à l’école d’art dramatique en la voyant sur le grand écran, avec Gérard Philippe ou Jean-Paul Belmondo. Une magique rencontre en vrai Moment inoubliable, étape cruciale de ma jeune carrière gratifiée d’un envoûtant baiser ! quoi de plus magnifique, baiser d’une divine comédienne, actrice, d’une femme libre pour qui la Liberté n’est pas un vain mot, c’est un comportement» dit Sidiki BAKABA. Il a également joué avec Jean-Paul BELMONDO (1933-2021), autour de son film, «le professionnel», à une période où les comédiens africains en France étaient largement invisibilisés. Une rencontre décisive. «À cette époque, la présence des acteurs noirs à l’écran était rare. Nous étions plus des silhouettes que des vrais rôles comme j’ai pu avoir la chance de jouer. Quand le film est sorti, j’étais au générique de début, alors qu’on aurait pu m’accorder cinq petites minutes de présence et un nom au générique de fin. Et bien non. Ça aussi c’était Jean-Paul. Il n’était pas ivoirien ni mandingue comme moi, mais c’était mon frère quand même», dit Sidiki BAKABA.

C’est sans nul doute, Jean-Marie SERREAU (1915-1973) et Patrice CHEREAU (1944-2013), qui ont ouvert grandement des portes, jusqu’ici restées fermées ou faiblement entrouvertes. Ainsi, en 1983, au théâtre des Amandiers, à Nanterre, dans une pièce de Bernard-Marie COLTES (1948-1989), «Combat de nègre et de chiens», Sidiki BAKABA interprète le rôle principal, celui d’Alboury, Cheikh DOUCOURE et Menzan KOUASSI, font le chauffeur. C’est une grande pièce de théâtre sur la peur, la dissimulation, le mensonge, le commerce que nous entretenons avec la culpabilité et la mauvaise conscience. Il y a une part d’intime et de métaphore, où les enjeux politiques se noient dans la confusion d’enjeux irrationnels, affectifs, dissimulés, violents et secrets. Dans un pays d’Afrique de l’Ouest, un chantier de travaux publics, d’une entreprise étrangère, Alboury, un «Noir mystérieusement introduit dans la cité» où vivent les Blancs, est venu réclamer le corps de son “frère”, prétendument mort dans un accident de travail, en fait tué d’un coup de revolver par l’ingénieur Cal. Son intrusion coïncide avec l’arrivée de Léone, tout juste débarquée de l’hôtel de Pigalle où elle travaillait pour épouser Horn, le chef de chantier. Cal, intrigué qu’elle ait pu accepter de suivre un homme «à qui il manque l’essentiel», tourne autour de Léone tandis que Horn tente de négocier avec Alboury : il veut à tout prix éviter que la vérité soit connue. La jeune femme lui déclare son amour devant Horn, et lui conseille d’accepter la contrepartie financière qu’on lui offre. Alboury crache au visage de Léone et s’obstine. C’est l’impasse : Horn et Cal tentent alors d’organiser le meurtre d’Alboury, mais c’est finalement Cal qui sera exécuté par les sentinelles noires qui montent la garde autour de la cité. Léone rentre à Paris après s’être scarifié le visage avec un tesson de bouteille, à l’image du visage d’Alboury. Dans la pièce adaptée par Sikidi BAKABA, à sa fin, il fait défiler dans les rues de Treichville, un quartier d’Abidjan, la cavalerie. Le rêve du panafricanisme d’Alboury N’DIAYE, flotte encore dans l’air, tant que l’Afrique n’est pas encore unifié, son esprit et son message sont toujours vivants dans nos cœurs. Il avait préféré l’exil à l’esclavage.

Dans «Bako, l’autre rive», un film franco-sénégalais, réalisé, en 1979, par Jacque CHAMPREUX, «Je jouais un Africain qui ne connaissait pas la ville et qui la découvre, alors que moi, j’avais déjà fait cette démarche et qu’elle m’avait marquée. Je comprenais que la technique pouvait précéder le jeu : c’était comme si j’avais été musicien et que j’avais appris la musique classique avant de revenir au rythme du tam-tam qui est en moi pour faire un concert sans fausse note dans un village. Un pas était franchi : je n’étais pas seulement un comédien noir parlant bien français, mais aussi un personnage africain jouant dans sa langue. Je pouvais apporter la preuve qu’il était faux qu’un acteur formé en France était perdu, qu’au contraire c’était un enrichissement : l’Occident me donne l’Afrique ! Ce qui en moi est profondément africain s’exprime grâce à ma formation ici», dit Sidiki BAKABA. Ce film, «Bako», comme «la fureur de vivre» pour James DEAN est emblématique et mythique. Bien avant «le Ventre de l’Afrique» de Fatou DIOME (Voir mon article, Médiapart, 21 février 2023), «Bako, l’autre rive», Sidiki BAKABA, en visionnaire, avait bien anticipé le drame de l’immigration. «Ils vont mourir par milliers», à propos des émigrants vers l’Europe, disait Sékou TOURE. Il a aussi collaboré avec SEMBENE Ousmane, dans le «Camp de Thiaroye», de 1987, un film censuré en France et a interprété le rôle d’un tirailleur sénégalais dont la langue a été coupée par les nazis. «Le muet ne dit rien, mais il dit tout» dit SEMBENE Ousmane (Voir mon article, Médiapart, 7 janvier 2023).

3 – Mme Aya BENGUIGUI, son épouse, et son engament pour l’Afrique

Sidiki BAKABA avait été marié à Ayala BEN GUIGUI, ex KLAJMANN (1943-2023), une sociologue, philosophe, et enseignante, à Vincennes, Paris VIII, professeure en psychiatrie à l’hôpital Necker. Ayala Yvette BEN GUIGUI, d’origine juive sépharade, née à Oran en Algérie «Je ne fais pas partie de la communauté française. Ma mère était invalide de la Première Guerre mondiale. Ce qui me reste en mémoire, c’est que je suis la fille d’un grand résistant, qui s’est engagé pendant la guerre d’Espagne, dans les brigades internationales. Cela marque ; cela veut dire que la résistance, je la connais à travers du discours familial. Je suis d’abord et avant une immigrée. C’est une chose que je revendique. Je ne suis pas née en France, je viens d’Afrique du Nord. Je suis de la première génération qui est venue dans les bagages de nos parents. Je ne suis pas pied noir, je suis venue, non pas en 1962, mais en 1946, à l’âge de 3 ans. Ce regard de l’enfant immigré, je l’ai conservé ; c’est-à-dire un questionnement sur le sentiment de l’étrangeté, de ne pas faire partie de ; ce sentiment-là, je ne l’ai pas cultivé, c’est la vie, à toutes les étapes de l’existence, on est confronté avec le discours de l’autre, qui t’épingle différent, étranger, celui qui n’est pas comme les autres, forcément on est amené à se poser des questions», dit Ayala. Ayala avait, dans les années 1975, fait la connaissance de Sidiki BAKABA à l’époque jeune acteur ivoirien à Paris. «Il ne faut pas que tu sois assis, en train d’attendre. Tu as une double formation d’acteur et de metteur en scène importante. Tu peux faire des films», lui disait son épouse. Par sa bienveillante à l’égard des autres, «C’est une sainte femme. Ma maman, elle n’est pas de ce monde», dit Dinga, son fils.

Ayala BENGUIGUI avait bien épousé la cause de l’Afrique et de ses diasporas. «Cette guerre-là (en RCI), elle était difficile parce qu’il y a eu 2 millions d’êtres humains qui ont dû fuir les zones de combat, pour se réfugier dans le Sud. On a eu à gérer leur survie. Le film qui a été fait, c’est de dire qu’il y a eu la violence, la tuerie, mais elle a beaucoup de sens. Au moment, le plus douloureux, les chars français et les snippers tiraient sur la foule, il y a des jeunes qui se couchaient sur Sidiki, pour le protéger ; il ne faut pas que les images soient détruites», dit Ayala. Par conséquent, Ayala avait suivi son mari en Côte-d’Ivoire lorsque Sidiki a été promu par le nouveau président ivoirien, Laurent GBAGBO. « Lorsque j’ai été nommé DG du palais de la culture en janvier 2001 par décret présidentiel, elle a aussi été nommée conseillère à la Présidence de la République, détachée auprès du DG du palais de la culture comme directrice administrative », racontait-il. Ayala était encore professeure psychiatre en ce moment à l’hôpital des enfants Paris Necker dans le 15ème arrondissement.

II – Sidiki BAKABA, une mobilisation pour la mémoire et cause de l’Afrique et ses diasporas

A – Sidiki BAKABA, acteur, réalisateur, metteur en scène,

Citoyen engagé, à travers son art, Sidiki BAKABA participe très activement, dans son hymne à la liberté, à l’émancipation de tous les peuples opprimés. «Mon choix se porte plus sur les œuvres historiques, modernes, qui vont dans le sens de la justice, de l’éducation, qui dénoncent, instruisent et contribuent à la lutte pour les droits de l’homme, à l’éveil de la conscience, à décomplexer les anciens colonisés que nous sommes, à décoloniser la mentalité de nos enfants qui, inconsciemment, ont des réflexes de colonisés. Je ne choisis pas une pièce au hasard. Qu’elle soit une comédie ou une tragédie, il faut qu’elle soit utile afin que ma mise en scène le soit aussi», dit-il, le 1er février 2007 au «Courrier d’Abidjan». En effet, Sidiki BAKABA en acteur et réalisateur, un admirateur de l’écrivain ivoirien Bernard Bélin DADIE (1916-2019, voir mon article, Médiapart 19 janvier 2024), a mis en scène sa pièce de théâtre, «Iles de tempête». Le héros de cette pièce, que joue Sidiki BAKABA, est François-Dominique TOUSSAINT-LOUVERTURE (1743-1803). Dans cette pièce, après l’autonomie de l’île de Saint-Domingue obtenue par les Noirs malgré la ségrégation raciale et la répression, TOUSSAINT-LOUVERTURE fait part à Jean-Jacques DESSALINES (1758-1806), officier insurgé, assassiné, de son projet d’union de toutes les classes et de toutes les communautés de couleur. Mais DESSALINES rétorque que jamais les Blancs n’accepteraient de s’unir aux Nègres et propose la cassure définitive avec la France en proclamant l’Indépendance de Saint-Domingue. TOUSSAINT-LOUVERTURE refuse, comme il refusera l’appui financier et militaire de l’Angleterre qui l’incitait à l’Indépendance. Pour bien marquer son attachement à la France, il fait interdire le vaudou, suspecté d’être un foyer de troubles ; seule l’Église désormais a droit de cité, avec des prières dites en latin. «J’ai confiance en la parole des Français», disait-il, mais il a été capturé par surprise, emprisonné au Fort de Joux, en France métropolitaine où il meurt, sans sépulture. En particulier, Sidiki BAKABA, dans de nombreuses cérémonies, porte à l’épaule une récade, dont peu de gens ont bien compris le sens hautement symbolique. Cette récade a été offerte par le prince de Aisos, à Vapa, près d’Allada, là où le père de TOUSSAINT-LOUVERTURE a été capturé comme esclave et déporté en Haïti. Partisan d’un théâtre de guérilla, l’artiste considère que la scène est une arme. À travers cette question de la mémoire, le passé interpelle le présent. «Les peuples enracinés dans leur passé savent où ils vont, même lorsque soufflent les plus terribles orages», disait Bernard DADIE. «Les cris poussés dans les pays d’Outremer n’arrivent pas en Occident. Ils se perdent dans les hurlements des tempêtes et des sables des déserts» disait Bernard DIADIE, qui voulait rendre audible la voix de l’Afrique. En effet, dans la croyance du peuple Akan, chez Sidiki, «le passé sert de guide pour préparer le futur». Sidiki, dans sa posture du Sankôfa, procède à un examen de conscience rétrospectif et prospective, afin d’avancer, dans la bonne direction, contre l’asservissement, pour la libération nationale des Africains. «Dadié m’a appris beaucoup de choses. Être un résistant, puis devenir ce que Musset disait comme un miroir dans lequel tout se mire, dans lequel tout glisse. Je veux être cet homme-là. Les coups durs, je les accuse et je les balaie parce que si vous souffrez des coups qu’on vous a donnés et que vous ne réagissez pas, celui qui donne ces coups-là a gagné» dit-il, le 23 novembre 2018, à Yasmine CHOUAKI, de RFI. La pièce de Bernard DIADIE, M. Tôgô-Gnini. Le porte-canne du roi, qui s’est enrichi grâce au commerce avec les colons, a exploité son peuple. Accusé d’escroquerie par un planteur, N’Zekou, se retrouve en prison.

Sidiki BAKABA a aussi interprété a adapté «l’exil d’Alboury» une pièce de théâtre du sénégalais, Cheikh N’DAO (Voir mon article, Médiapart, 25 février 2025). Dans la pièce originale, plane une ambiguïté savamment entretenue, Alboury N’DIAYE est-il un héros ou un traitre ? La pièce s’ouvre sur une atmosphère de fête de nomination du Prince Laobé Penda, dont le courage et la vaillance sont connus dans tout le Djolof. La place de Yang Yang est le lieu de cette intronisation. C’est à ce moment qu’un guerrier vient annoncer l’invasion imminente du royaume du Djolof par le Gouverneur qui vient de rompre les traités qu’il avait signés. Afin de faire face à la menace, le roi Alboury convoque une réunion pour permettre à l’assemblée de se prononcer, mais il sera obligé de suspendre la séance à cause des esprits qui s’échauffent. En tête à tête avec son frère, Bourba lui annonce sa décision de s’allier avec les autres rois contre l’armée du gouverneur. Rien que la décision d’aider le roi de Ségou, Ahmadou fait entrer Laobé Penda dans une colère ; il s’oppose à la décision de son frère. En effet Laobé Penda ne peut cacher son indignation devant ce qu’il considère comme une fuite indigne d’un descendant de Ndiandiane. Il ne fait pas de doute, pour Sidiki BAKABA, l’un des grands héros du Sénégal, ce n’est pas Lat-Dior DIOP (1842-1886), dernier Damel du Cayor, monté en épingle, c’est bien Alboury N’DIAYE (1848-1901), grand résistant, mort en exil, dont l’héritage est bien encore vivant parmi nous.

En Afrique, Sidiki BAKABA a confirmé ses talents, en qualité de réalisateur, de scénariste et d’acteur. «Tous ces premiers films avaient des choses à raconter. Parce que cela correspondait à une mutation de la société. On allait vers les indépendances africaines. Ce que le cinéma devait apporter, l’Afrique l’a refusé. Tout simplement parce qu’il apportait une réflexion critique aux dirigeants africains. Ayant été marginalisés, les réalisateurs ont été empêchés de jouer leur rôle.», dit-il, en 2011, à l’Intelligent d’Abidjan. Ainsi, dans «Bako, l’autre rive», un film visionnaire, bien avant le fameux roman de la franco-Sénégalaise, Fatou DIOME, «le ventre de l’Afrique», le drame de l’immigration est brossé : «il y aura des milliers de morts», un déplacement massif et tragique de populations du Sud vers le Nord, avait prédit le président guinéen, Sékou TOURE (1922-1984). Dans ce film, franco-sénégalais, le héros, un jeune malien, Boubacar, en raison de la sécheresse, de la misère et de la famine, choisit l’exil pour aider sa famille. Lorsqu’il arrivera à Paris, sur son chemin d’embûches, c’est pour mourir d’épuisement.

Dans son film, «les guérisseurs», l’action se déroule en 1972 à Katakata, capitale du Nagban, République pas tout à fait imaginaire. Dans ce film, Sidiki BAKABA expose le poison, aussi dans la sphère publique que privée, de l’argent-roi, ayant pourri les sociétés africaines. «Tu as mal au fric. Va tenter (Abidjan). La maladie, c’est l’argent qui peut tout guérir. Guéris-moi, parce que j’ai faim», dit-on dans un français ivoirien. Ainsi, dans ce film, Kadjo, le héros, est un jeune homme cadre ambitieux, récemment rentré de France, conditionné par les rythmes d’une société, compte seulement faire étalage de sa richesse, bien qu’autour de lui, la faim, la violence, l’incertitude du lendemain s’aggravent de jour en jour. Pour combattre la terrible maladie qu’est le besoin d’argent, il faut recourir à ceux qui, par des moyens plus ou moins licites, peuvent le procurer: les «guérisseurs». Pour Kadjo, les guérisseurs seront le richissime El Hadj, symbole de la dignité de la tradition africaine et de ses immuables valeurs morales; Kambiré, dit le Président, ivrogne qui analyse avant autant de perspicacité que de sensibilité l’absurdité des comportements humains et Tony, propriétaire du night-club «Le Cynocéphale» qui contrôle toute la pègre de la vie nocturne. Avec lui et avec l’assistance d’Attila, magnifique géant à l’âme pure, Kadjo organise un hold up, digne des meilleurs westerns, qui se termine tragiquement. Amadou KOUROUMA, dans son livre, «Le Soleil des indépendances» (Voir mon article, Médiapart, 18 janvier 2024) avaient bien dénoncé, la trahison des élites africaines, après les indépendances, devenues corrompues.

Sa réalisation, «Roues libres», lui permet de remporter le prix du meilleur scénario au festival d’Amiens, en 1998 et d’être présenté sur la chaîne Arte. C’est un film sur la violence crapuleuse, la montée d’un gang de handicapés, drogués, et qui tuent, sans pitié «Tu me donnes de l’argent, sinon je vais te cadavrer», disaient-il. C’est la culture de l’argent facile, mais aussi l’éloge de la contribution artistique de Chester HIMES (Voir mon article, Médiapart, 12 novembre 2024), qui à travers les faits divers, a montré que parfois, les Noirs sont encore plus féroces à l’égard de leurs semblables. On a vu aussi ce que font les Tonton macoutes en Haïti. Cette violence reste présente à travers le discours de la haine, le concept d’ivoirité, d’exclusion, un outil, accompagné de violence, notamment par les gangs dits «les microbes», au service des ambitions politiques.

Koffi KWAHULE l’a associé à sa pièce de théâtre, «les déconnards», jouée au Brésil. Le personnage, un asthmatique, pense toujours à l’Afrique dans sa chambre de bonne. Il dit : «Mourir à l’étranger, c’est comme si on n’avait jamais vécu. Parce qu’un étranger, c’est quelqu’un qui accroche sa vie comme on accroche son manteau à l’entrée d’une maison. C’est quelqu’un qui attend de vivre».

B – Sidiki BAKABA, Directeur du Palais de la culture, ses combats pour la transmission,

Sidiki BAKABA a été nommé par Laurent GBAGBO, président de la RCI, Directeur Palais de la culture d’Abidjan, dans le quartier de Treichville, de 1999 à 2011. Il dirige aussi «l’Actor Studio», une école de formation d’acteur au sein du palais qu’il a créée. «Je suis au Palais de la culture Bernard Dadié. En 10 ans, j’ai continué à faire des spectacles, à former des acteurs et à jouer. En Côte-d’Ivoire, les acteurs ne peuvent pas vivre de leur métier. Grâce à la possibilité qui leur a été faite au Palais de la culture Bernard Dadié, aujourd’hui, certains humoristes arrivent à gagner un peu d’argent», dit-il à l’Intelligent d’Abidjan.

Sidiki BAKABA, en raison de son riche parcours, est dans la transmission pour les nouvelles générations «Je continue de transmettre. Chaque fois quand je rencontre des jeunes même dans la rue, le peu de temps que je passe avec eux, je transmets. Chez nous dans notre tradition, il y a un âge où vous n’avez même pas le droit de parler quand les sages sont là. Il y a un âge où on vous laisse vous approcher pour écouter, il y a un autre âge où on peut vous demander votre petit point de vue. Et passé 50-60 ans, vous entrez dans le cercle des sages. Et quand vous avez plus de 70 ans comme moi, ce n’est plus un droit de parler, c’est un devoir de transmettre. Je prie que les jeunes qui viennent fassent mieux que nous» dit-il le 22 octobre 2021, à l’Observateur. «Je partirai comme je suis venu», dit-il. Pour lui, «Le jeu commence là où s’arrête le texte. J’ai eu beaucoup de chance de jouer avec eux et surtout pour de grands réalisateurs qui m’ont fait confiance. Il n’y a pas de petits rôles, il y a de petits acteurs.», dit-il.

Aussi, Sidiki BAKABA, pendant ses dix ans de mandat, au Palais de la culture, s’est attaché à découvrir de nouveaux talents, des autodidactes en particulier, et a fait entrer les enfants des quartiers populaires dans cette maison de la culture. «Nous veillons à ce que le pouvoir demeure au service de l’Homme», dit-il.

C – Sidiki BAKABA, son combat pour sa dignité, de citoyen
et d’artiste ivoirien, à part entière, pour la réhabilitation et la réconciliation.

Sidiki BAKABA, un militant de la cause de l’Afrique, n’est pas un professionnel de la politique, c’est artiste du bien-vivre ensemble, attaché à la France et à son pays d’origine, la Côte-d’Ivoire. Laurent GBAGBO, un ami de longue date, depuis 1970, qui venait à ses spectacles, l’avait nommé Directeur du palais de Culture. «Quand la hyène veut dévorer son petit, elle l’accuse de sentir la chèvre», dit un dicton. Aussi, lorsque le vent a tourné, on connaît ce dicton manichéen de la classe politique : «Qui n’est pas avec moi, est contre moi». En effet, «si tu ne fais pas la politique, la politique te feras» dit Félix HOUPHOUET-BOIGNY (1905-1993), premier président ivoirien. L’artiste, un contrepouvoir, n’est pas un acteur de vie politique ; son rôle, comme avec le griot, ou depuis l’Antiquité avec Eschyle, est d’éclairer les gouvernants, d’alerter sur les dérives. «On est fatigués de la guerre, des rivalités, jusqu’à être fatiguées de la fatigue de ça. Il y a des pays qui ont connu des crises plus violentes que les nôtres et qui sont aujourd’hui sur les rails, qui ont avancé. Se pardonner, avancer, c’est mon rêve en tant qu’ambassadeur. L’artiste que je suis, puisque je suis toujours resté sur mon terrain qui est artistique et je ne suis jamais allé dans le domaine de la politique, apprécie tous ceux qui disent : Il faut que ce pays se réconcilie, que des enfants viennent, que des gens ne meurent pas à l’étranger parce qu’ils sont exilés», dit Sidiki BAKABA, ambassadeur culturel et du bien-vivre ensemble en RCI.

Lors de la crise postélectorale de 2011, il se retrouve piégé et blessé dans la résidence présidentielle qui se trouve assiégée par des bombardements de l’armée française. Le réalisateur Sidiki BAKABA a fait un film «la Victoire aux mains nues» qui représente la fidélité à son pays «Un proverbe indien disait à l’époque de Gandhi que le paysan laboure en temps de paix, mais laisse la houe en temps de guerre pour aller défendre son pays. J’ai fait un film sur les événements de 2002-2004 qui sappelle «La victoire aux mains nues», et qui raconte le massacre qui sest produit devant l’hôtel Ivoire. Je continue de filmer aujourdhui, jétais tout à l`heure sur un véhicule RPG et j’ai dû sauter pour me protéger. Je défends mon pays», dit-il à Slate Afrique.

Sidiki BAKABA avait été convoqué par les autorités ivoiriennes, devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, mercredi 6 juillet 2016, sur la base d’une information judiciaire ouverte pour crime contre l’Humanité, pour des faits de «meurtre, menaces de mort, complicité de violence, voies de fait, et atteinte à la liberté individuelle». Des accusations portant sur des faits qui auraient été commis le 8 avril 2011. L’acteur et réalisateur n’est pas poursuivi par la justice en France. Ces poursuites, pour «crime contre l’Humanité, font suite à la guerre civile en Côte-d’Ivoire, à l’issue, des présidentielles de 2010, Laurent GBAGBO ayant refusé de reconnaître la victoire très contestée d’Alassane OUATTARA. Une guerre civile sanglante avait alors plongé le pays dans le chaos, avec une intervention de la France et de l’ONU qui avaient délogé l’ex-président le 11 avril 2011, des affrontements ayant fait plus de 3000 morts. «Je vais vitrifier Laurent GBAGBO», avait dit Nicolas SARKOZY, président de la République française de 2007 à 2012, qui porte maintenant un bracelet électronique.

Quand les violences éclatent à Abidjan, ce 11 avril 2011, le cinéaste Sidiki BAKABA filme les affrontements, l’arrivée des forces françaises et celle des soldats de l’ONU, mais aussi, à la résidence de Laurent GBAGBO où il se réfugie. Auparavant, en 2004, sous Jacques CHIRAC, président de la République française, de 1995 à 2007, dans une démarche similaire à travers son documentaire «La victoire aux mains nues», Sidiki BAKABA avait capté la colère de centaines de jeunes ivoiriens s’opposant à l’offensive des forces françaises suite au bombardement de la base française de Bouaké. «Quand les hostilités ont commencé, ma rue a été particulièrement visée par les bombardements de l’ONU, à tel point que je devais enjamber les cadavres pour rentrer dans ma maison. J’ai pris alors la résolution de filmer pour qu’il reste des traces de ces évènements devant l’Histoire», dit Sidiki BAKABA.

Sidiki BAKABA est nommé le 2 octobre 2010, par décret présidentiel, publié au Journal officiel du 21 octobre 2010, Ambassadeur de la culture, avec droit «aux indemnités et avantages». Cependant, depuis 2011, devenu un diplomate sans portefeuille, sans domicile fixe dans son pays d’origine, la Côte-d’Ivoire, Sidiki BAKABA, loin du ressentiment, est dans la revendication pour ses droits légitimes, à savoir le rappel de ses indemnités d’ambassadeur de la culture, mais aussi la réparation intégrale de ses biens endommagés, notamment sa maison, son matériel de cinéaste et d’homme de théâtre endommagés, brûlés ou volés. Il va de soi, Sidiki BAKABA réclame sa réhabilitation, comme l’a été l’ancien Laurent GBAGBO.

Références bibliographiques

A – Films – pièces de théâtre -interviews de Sidiki BAKABA

1 – Écrits – interviews

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BAKABA (Sidiki), «Entretien» avec Yasmine Chouaki, RFI, 17 décembre 2015, durée 45minutes59secondes ;

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2 – Cinéma et théâtre

BAKABA (Sidiki), «Entretien» avec Yasmine Chouaki, RFI, 17 décembre 2015, durée 45minutes59secondes et 23 novembre 2018 ;

BAKABA (Sidiki), acteur et metteur en scène, «Les déconnards», comédie dramatique, théâtre filmé, une pièce de Koffi KWAHULE, 1999, durée 88 minutes ;

BAKABA (Sidiki), acteur, «Bako, l’autre rive», réalisateur Jacques Champreux, 1978, 1h50 ;

BAKABA (Sidiki), acteur, «Camp de Thiaroye», film de SEMBENE Ousmane, 1987, durée 153 minutes ;

BAKABA (Sidiki), acteur, «Le professionnel», réalisateur Georges Lautner, 1981, durée 1h48minutes ;

BAKABA (Sidiki), acteur, «Mamy Wata», réalisateur Moustapha DIOP, 1989, durée 90 minutes ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «Cinq siècles de solitude, la victoire aux mains nues», 2002 ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «L’Anniversaire de Daymios», novembre 1992 ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «La parole», 1992, court métrage ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «Le Nord est tombé, 1985-1998», une séries de 100 épisodes pour TV5 ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «Les guérisseurs», 1988, durée 1h28 ;

BAKABA (Sidiki), acteur, réalisateur et scénariste, «Roues libres», 2002, durée 1h25.

B – Biographies et critiques de Sidiki BAKABA

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Paris, le 5 mars 2025, par Amadou Bal BA