INTRODUCTION
Dans nos sociétés d’aujourd’hui (Africaines et Européennes ) en pleine mutation, vivre selon l’entendement des autres, leur convenance ou leur humeur semble être la doctrine la plus partagée. Cette forme de conformisme côtoie une dictature de la pensée unique et un terrorisme intellectuel dont les récalcitrants payeront le lourd tribut à leur détriment.
Les simples habitudes comme : ne pas fréquenter la place publique même si on est en paix avec tout le monde, être casanier ou se replier sur soi pour éviter d’encombrer les autres, rater le baptême d’un (e) ami(e) même si on a été informé bien avant ou encore décliner gentiment une invitation à boire du thé, à faire les apéros, aller à une noce ou faire des retrouvailles d’ami (ie.s) sont généralement perçus comme une signature de fin de contrat amical, un déni des siens ou même plus grave une rupture des liens sociaux qui ligaturent les humains.
Et si notre passé justifie notre manière de mener la barque de la vie, encore faudrait-il trouver une digue pour barricader les trous de la mémoire.
C’est pratiquement ce qui s’est passé dans ce livre IMPOSSIBLE DE GRANDIR et qui a déclenché une avalanche de tableaux d’une vie franche, terrible et traumatisante de la « femme-petite », Salie, sous forme d’un soliloque arrosé par une dose d’humour, à propos de son enfance condamnée et réduite à sa simple condition de naissance par les « despotiques onctions religieuses » et un Tonton tyran qui apparaît comme un chien dressé par la vanité et la jalousie dans l’unique but de se satisfaire du malheur de la Salie.
Or, les enfants arrivent au monde de la même manière. Il n’y a pas de protocole qui atteste que tel ou tel enfant d’untel ou d’Unetelle doit passer par telle ou telle voie pour arriver au monde et être reconnu(e) et considéré(e) par la société comme un enfant béni. Sinon cet enfant fera office d’impôt pour payer la dette des adultes, dûe à la société et ce, durant toute sa vie, d’où l’impossibilité de grandir.
Dans ce roman, il s’agit d’un monologue, d’une communion avec soi-même, un radotage bruissant entre Salie(adulte) et salie(la Petite), ou simplement d’un flash-back au coeur de l’enfance de Salie entre sa terre natale, Niodior, là où tout a commencé et son pays adoptif, la France.
L’enfant hibernée en Salie est la capitaine de la barque qui contrôle, oriente et impose à sa guise les humeurs à la grande.
Dans les lignes qui suivent, nous essayerons d’analyser ce chef-d’œuvre qui au delà du noyau central renferme de véritables leçons de développement personnel.


L’AUTEUR
La vie de l’auteure est loin d’être fortuite. Elle est sa source d’inspiration pour gratter des lignes susceptibles d’émerveiller plus d’un. Je pense que faire un tour sur sa biographie peut aider à comprendre le roman Impossible de grandir.
Fatou Diome est née sur la petite île de Niodior, dans le delta du Saloum, en pays sérère, au sud-ouest Sénégal. Fille naturelle, ses parents ne sont alors pas mariés. Elle est élevée par sa grand-mère.
A jeune, Fatou Diome doit aller à l’école en cachette, jusqu’à ce que son instituteur parvienne à convaincre son aïeule de la laisser poursuivre.
Fatou Diome quitte son village pour aller poursuivre ses études dans d’autres villes du Sénégal, tout en finançant cette vie de nomade par de petits boulots « mbidan » dès ses 14 ans ; puis elle va au lycée de M’bour, travaille en tant que servante en Gambie et finit par entamer des études universitaires à Dakar.
Mais à vingt-deux ans, elle tombe amoureuse d’un Français, se marie et décide de le suivre en France à Strasbourg en 1994. Rejetée par la famille de son époux, elle divorce deux ans plus tard et se retrouve en grande difficulté, abandonnée à sa condition d’immigrée sur le territoire français. Pour pouvoir subsister et financer ses études, elle doit faire des travaux de ménage pendant six ans, y compris lorsqu’elle peut exercer la fonction de chargée de cours durant son diplôme d’études approfondies.
source : extrait de wikipédia


RÉSUMÉ
Impossible de grandir est un voyage intérieur que salie entreprend suite à une invitation de son amie Marie Odile ; une invitation à laquelle elle n’a pas pû répondre à cause d’un malaise spontané qui l’a conduite aux urgences.
Ainsi, durant la journée du samedi, Salie prépare cette rencontre comme si elle allait recevoir une correction sévère chez les marâtres comme les femmes de ses tontons. Durant cette même journée du samedi, elle réfléchissait, méditait, pensait à tous les stratagèmes possibles pour contourner les questions indiscrètes liées à son passé sombre. Mais la Petite, cette punaise (il faut lire pour comprendre pourquoi😂) qui dort d’un œil en, croise son chemin et lui impose sa direction. Elle est l’allégorie de ses moments difficiles vécus depuis sa naissance, en passant par son tonton Tyran, sa vie de jeune fille, ses études, son mariage avec un français, le racisme…


III. LES PERSONNAGES
Salie : personnage principal
Personnages adjuvants : la Petite, les grands parents de salie, une de ses tantes…
les antagonistes : Tonton tyran et ses femmes, Marie Odile, la religion, certains membres de sa grande famille, les femmes de l’île de Niodior…
actants : Silvianne, Alex, le médecin, l’infirmière, la famille de Marie Odile, actants..


IV. LA STRUCTURE DU ROMAN
Ce livre est écrit sous forme de monologue. En effet, c’est à travers les lunettes de Salie qu’on comprends la psychologie des personnages. Ceci montre l’angle par lequel le lecteur se plonge dans le récit. Ce qu’on voit généralement dans une focalisation interne, sauf qu’ici l’auteur brise les sentiers battus imposés par les formes classiques de roman. On connaît pratiquement chaque personnage (présent, passé, futur).
Qui connait cette dame de lettres, ne doutera pas de sa volonté de ne pas « faire le pas de l’oie », c’est-à-dire ne pas se conformer aux exigences de la société.
Donc, nous avons ici un roman que je qualifierais de roman-memoire. Car pour autant qu’il retrace la biographie de l’auteure à bien des égards, pour autant qu’il permet d’apprendre à « avoir le pied marin », c’est-à-dire comment dompter son courage afin de contourner les problèmes de la vie et refuser le déshonneur que certains vous imposeraient comme ceux qu’elle appelle les loups 🐺.
Cette structure est une touche nouvelle dans la création littéraire d’expression française.


V. LA SITUATION SPACIO-TEMPORELLE
L’histoire racontée dans ce livre n’a duré qu’un jour, c’est-à-dire vingt-quatre heures. Un rendez-vous fixé la nuit du vendredi qui oblige Salie à passer toute sa journée au lendemain dans son appartement à se préparer. Les va-et-vient entre le salon, la baignoire, la table à manger, la cuisine montrent les mouvements que le personnage principal fait et son traumatisme.
En fait, étant enfant rejetée, elle jugeait inutile d’aller chez les autres peu importe (amis, connaissance ou autres), car on lui rappelait toujours qu’elle ne devait pas occuper de place ou simplement elle n’a pas grandi entre les mains des son père et de sa mère.
Or, d’autres lieux s’invitent dans l’histoire quand Salie se replonge dans ses souvenirs comme Niodior, Dakar, Mbour, Gambie, l’île, Alsace, Strasbourg…
Dans ce même Sommeil éveillé, on sent le temps qui remonte également depuis les années soixante-dix à nos jours. Le passé surgit par intermittence selon les étapes de la croissance de l’enfant à partir de l’adolescence. Ce qui veut dire que le livre s’étale sur une durée proportionnelle à l’âge de l’auteure.
En clair, l’espace réel est statique. depuis la France, plus précisément en Strasbourg, dans son appart, Salie prend « la barque » pour ramer : direction, Sénégal, à Niodior.
Deux lieux, deux cultures, deux amis, une fille adoptive.


VI. LES THÈMES
Le thème central est la dignité humaine bafouée par une marginalisation de l’enfant dite illégitime. C’est le noyau du récit autour duquel les gravite une série de thématiques comme le rejet, l’hypocrisie de la famille, le problème de l’héritage familial, les conflits familiaux, la jalousie, l’exploitation mercantile des femmes de ménage qu’on appelle les BONNES, l’amour, le racisme, l’amitié, la vie d’adolescence, la vie d’écrivains, le rôle de l’écriture, le courage, la tradition des sérères, le syncrétisme religieux, le développement personnel…


VII. COMMENTAIRE PERSONNEL DU LIVRE
Je préfère ne pas m’attarder sur les thèmes développés mais plutôt vous transmettre mon ressenti et la leçon de morale qui s’y attache.
En résumé, pour vivre heureux, il faut avoir le pied marin et ne pas faire le pas de l’oie. En d’autres termes, il faut avoir le courage d’avancer malgré les obstacles de la vie et ne jamais faire quelque chose pour plaire à autrui sans consetement. Voilà toute la morale du livre.
Par ailleurs, quand les souvenirs rendent visite à quelqu’un, il devient captif : car Salie dit « Une petite fille me poursuit, me harcèle, m’assiège ; après quatre décennies de lutte, je ne peux toujours rien contre ses assauts ; parfois, croyant agir à ma guise, je découvre avec stupeur que je ne fais que succomber à ses humeurs : grandir semble impossible ! » Cette Petite est une allégorie des souvenirs de l’enfance de Salie. Qui peut arrêter les souvenirs ?
Par ailleurs, le livre m’a empoigné à la gorge par une mou😭. En effet, le registre pathétique du livre ne vous laissera pas indifférents. L’empathie qu’il crée chez le lecteur est intrinsèquement liée à la vie de cette enfant (La petite) qui subit la faute des adultes (son père et sa mère) et si c’est une faute même, s’interroge l’auteure tout comme ou je me le demande. L’amour inconditionnel qu’elle leur voue est magnifique.
Entre temps, en cours de lecture, j’ai envie de m’exploser de rire😂 mais après avoir terminé ma lecture, j’ai avalé ce bonheur éphémère que Fatou Diom m’a procuré en quelques jours. Car cette petite, c’est à l’image de Salie tout comme l’auteure elle-même, bref comme tous les enfants jugés illégitimes qui sont généralement mal traités.
Fatou sait te voler un sourire 😂 tout comme elle sait rendre les coups 🤜. ( Aka pank) Un registre langagier tantôt amer, tantôt triste au point d’en pleurer, tantôt comique, tantôt serein.
Derrière chaque réussite, il y a un pied placé à l’étrier par quelqu’un. Dans ce cas précis, il s’agit bien de ses grands parents que Salie ne cesse d’obéir et rendre hommage.
S’il y a un personnage, qui a rendu le récit passionnant (même si je l’abhorre, tellement qu’il est méchant et aigri. Sans ce monsieur, personne ne réussira dans la vie, eh Mbaye!), c’est bien le Tonton tyran. Ce monsieur, vautré sur la vanité, cherche toujours des moyens pour déstabiliser la Petite à qui, il ne cesse de rappeler comment elle était née.
Même après que cette dernière a quitté sa terre natale pour aller à l’autre bout du monde en France avec son époux et sa famille raciste (sauf qu’ici, l’auteure n’a pas trop développé sur ce sujet : son mariage avec le toubab), le Tonton tyran est toujours à ses trousses, avec des balivernes en a plus finir. (Walay, sokhor bakhoul, topou nit ki comme colle crazy, ah li jam )
On peut être piétiné, mais il faut toujours avoir le courage de se redresser et faire face aux loups. Et Fatou Diom de dire que « Devenir adulte, c’est oser se retourner et, enfin, faire face aux loups ».
La poéticité du livre est juste visible du début jusqu’à la fin. Pour n’en citer qu’un exemple « Marie-Odile mettait des pansements sur les maux, je mettais des mots sur les pansements. » un chiasme qui montre le génie de l’auteure à manier les deux genres littéraires.


CRITIQUE DU LIVRE
Le livre est juste magnifique mais mon regard critique ne peut s’empêcher de s’étonner sur le caractère holistique et volubile de l’auteure. Elle aime trop les extrapolations, c’est-à-dire les exagérations dans certaines formulations.
Des phrases que je trouve d’aucune utilité dans ce livre si sérieux et si passionnant.
Aller droit au but donnerai à l’auteure le cachet d’une véritable déesse de la plume, je pense plutôt que la poésie tapie dans l’ombre de sa plume occasionne ces hyperboles.


CONCLUSION
Ce livre est un véritable chef-d’œuvre qu’il faut enseigner aux élèves du Sénégal. Cette forme de littérature engagée aide sur beaucoup de points la génération actuelle à redresser la nuque devant les difficultés de la vie.
Fatou Diome est une plume, elle l’a dans le sang.
Toutes mes félicitations à l’auteure !
Bonne lecture à tous !