( par Ndeye Soxna Diop)

En parcourant aujourd’hui ma petite pile de livres soigneusement disposée dans le coin d’une étagère, je suis tombée sur l’un d’entre eux. Il était enfoui en dessous, loin des éraflures, de la poussière. Sa couverture légèrement orangée dévoilait une boule de feu qui illuminait et réchauffait l’immensité des cieux.
La couverture d’un livre comme un manteau que l’on aurait exposé dans une braderie attire toujours le regard d’un acheteur. Elle suscite sa curiosité, son envie de découvrir, de dévorer le contenu. Qui plus est, quand le titre associe deux substantifs qui auraient pu ne jamais se confondre, le désir d’aller à la rencontre des mots se veut plus vorace.
Mélopées divines !
Les mélopées dans une perception assez mondaine nous font toujours penser aux festivités, aux folklores, au tohu-bohu tapageur suscitant les pas de danse des uns et des autres, les claquements de doigts et de mains, les rondes au clair de lune, les préalables de certains rites coutumiers et traditionnels. Au-delà de cette dimension relativement restreinte, un chant peut tout aussi être un air glorificateur que l’on adresse à quelqu’un. Les griots ne chantent ils pas ceux qu’ils considèrent assez puissants et impétueux parce que faisant partie d’une lignée princière ou royale ? Ne chantent-ils pas les soi-disant nobles qui s’inscriraient au sommet d’une hiérarchie et se rattachant sans cesse à une consécration inassouvie de leurs actions et de leurs réalisations ? Autant le chant du griot peut s’avérer légitime aux yeux de ceux qui en sont les destinataires, autant les mélopées peuvent revêtir une sacralité lorsqu’elles s’adressent au Créateur, celui qui serait au début et à la fin de toute chose.
Je me suis longtemps posée des questions sur le fond du livre, sa forme, la densité de l’écriture, la concordance du chant poétique avec la personnalité de l’auteur -car il est bien évidemment clair que dans chaque écrit, se cache toujours une petite portion de celui qui en serait à l’origine -. Trop de choses ont concomitamment attiré mon attention en sorte qu’il m’était pénible d’exprimer de manière crue mes ressentis. J’en ai finalement conclu que mélopées divines devait être un cantique qui magnifiait le Seigneur dans sa sublimation et sa mansuétude ; mais encore une sérénade chantée par un poète vadrouilleur.
Pour en revenir à la couverture, ma première impression et peut être sans conteste celle de beaucoup d’autres lecteurs est celle de l’oiseau. L’image de cet oiseau figurant sur la page de couverture m’a tout de suite fait penser à un aigle royal. Pourquoi n’ai-je pas pensé à un autre volatile ? Un héron par exemple ! Parce qu’en me référant au caractère divin de cet ouvrage, j’en déduis que tout comme l’aigle royal associé dans la culture à un oracle, un conseiller, un représentant du pouvoir, un symbole de résurrection et un émissaire divin, ce recueil de textes était un message à l’humanité toute entière. Une invitation à la connaissance, à la spiritualité, à la réflexion sur l’Etre, au sens de la vie, aux symboles et aux signes de la divinité, à la suprématie du Seigneur tout simplement.
En lisant Mélopées divines, il m’est venu à l’esprit un passage du roman de Ahmadou Kourouma, « En attendant le vote des bêtes sauvages » où l’auteur affirme : « Il y a dans la vie deux sortes de destin. Ceux qui ouvrent les pistes dans la grande brousse de la vie et ceux qui suivent ces pistes ouvertes de la vie. Les premiers affrontent les obstacles, l’inconnu. Ils sont toujours le matin trempés dans la rosée parce qu’ils sont les premiers à écarter les herbes qui étaient entremêlés. Les seconds suivent les pistes tracées, suivant des pistes banalisées, suivant des initiateurs, des maitres. Ils ne connaissent pas les rosées matinales qui trempent, les obstacles qui défilent, l’inconnu des nuits noires, l’inconnu des espaces infinis. Leur problème dans la vie c’est de trouver leur homme de destin. Leur homme de destin est celui qu’ils doivent suivre pour se réaliser pleinement, pour être définitivement heureux ; Ce n’est jamais facile de trouver son homme de destin, on n’est jamais sûr de l’avoir rencontré. »
Les vers chantés dans cette œuvre poétique révèlent peut-être l’existence d’un homme de destin qui aurait permis l’accomplissement spirituel et la connaissance de la voie soufie. Toujours est-il que dans ce sentier spirituel, les fontaines de vin, les cruches remplies à ras bord et l’ivresse poétique ne sont pas en reste.
En poésie, il est bon de s’enivrer. Si cet état de soulerie, d’intempérance et d’éthylisme est selon le poète le meilleur moyen de s’exprimer sans craindre le jugement des autres, autant ne pas se donner de limite à vider les jarres. Si l’ivresse permet de dévêtir avec aisance le voile de mensonge et d’illusions qui couvre les cœurs et aveugle les esprits, si cette ivresse est une manière indirecte d’affronter la vérité, que l’on s’enivre donc !
Ne dit-on pas d’ailleurs que Dieu aide à trois sortes de personnes : aux fous, aux enfants et aux ivrognes ?
Tout compte fait, lisons Mélopées divines et faisons-en notre vade-mecum…

Dakar, le 16 Février 2021